Vaut-il mieux être vendeur ou négociateur ? Ou bien les deux à la fois ?
Savoir vendre. Savoir négocier. Deux compétences identiques ? Pas si sûr. Jean-Pierre Veyrat, expert en négociation commercial revient sur ces deux fondamentaux.
Je m'abonneAujourd'hui les équipes commerciales des PME/ TPE, en quête de croissance, doivent de plus en plus couvrir à la fois les fonctions de vendeur et de négociateur, sans toujours en connaître les frontières et les rôles respectifs dans l'acquisition de nouveaux clients et le développement de la clientèle existante.
C'est la raison principale qui explique leurs difficultés à rester compétitives dans les moments de crise que nous traversons, rendant indispensable une formation renforçant et optimisant leurs performances sur le terrain.
En fait, deux questions fondamentales se posent :
-Peut-on se contenter aujourd'hui d'avoir des vendeurs, même très bons, qui ne savent pas négocier ?
Lire aussi : Christine Lai (EM Lyon) : «Respecter l'autonomie des managers commerciaux est fondamental»
-Est-il possible d'envoyer pour une affaire importante des négociateurs qui n'ont pratiquement jamais appris comment bien répondre à des demandes de concessions par des argumentations construites?
On a coutume de dire que vendre toujours, négocier si nécessaire, constitue l'approche gagnante des affaires. On dit aussi qu'un produit ramené à son prix est un produit qui n'a pas (ou mal) été vendu. Vendeur paraît à l'évidence s'imposer comme une fonction primordiale. Surtout en ces temps de crise, où le tout premier souci d'une entreprise commerciale est en effet la réalisation d'un chiffre d'affaires, lequel à l'évidence est obtenu d'abord et avant tout grâce à l'action et la performance de sa force de vente.
Et la négociation alors? Elle naît d'un désaccord entre quelqu'un qui veut plus et quelqu'un qui se demande : et moi, si je te donne ce que tu veux, qu'est-ce que j'y gagne? Pas de concession sans contrepartie. Telle est la règle intangible que nombreux oublient, ramenant son exercice à un compromis sur le prix en réponse à c'est trop cher. Une négociation du pauvre en quelque sorte, qui s'apparente davantage à un marchandage, au vu de la quasi absence de contreparties par rapport à ce qui a été trop généreusement cédé pour " emporter l'affaire ".
Pour quels objectifs ?
On dit que la vente commence quand le client a dit non. Alors qu'entrer en négociation n'a d'intérêt qu'à partir du moment où le client est convaincu du produit, mais qu'il veut en discuter les conditions d'achat.
Ce qui signifie qu'on vend toujours avant de négocier. Étant entendu que la priorité d'un commercial est de faire signer sans avoir, autant que possible, à négocier.
Lire aussi : Commerciaux : négocier son augmentation en temps de crise, un exercice d'équilibriste ?
La raison d'être des deux métiers ne fait donc aucun doute, pourvu que la logique de leur exercice soit respectée:
-la raison d'être d'un vendeur est de faire du chiffre par la qualité de son pouvoir de conviction
-la raison d'être d'un négociateur est de profiter de ce qui lui est demandé pour développer son chiffre, à coups de concessions propres à lui rapporter d'intéressantes contreparties.
Deux postures parfaitement antagonistes
Quoique complémentaires, tout oppose dans les faits la démarche d'un vendeur et celle d'un négociateur.
Pour vendre en effet, toute la démarche d'un vendeur est d'aller systématiquement dans le sens des attentes de l'autre, en s'attachant à le découvrir, à le convaincre du bien fondé du produit proposé, à traiter une par une ses objections, jusqu'à obtenir qu'il achète. Son état d'esprit est d'aplanir de bout en bout tout ce qui peut faire obstacle à la décision d'achat de son client.
La démarche d'un négociateur, par contre, est de commencer par aller à contre-sens des attentes de son client, en créant d'emblée un désaccord, s'attachant à lui faire comprendre qu'il ne lui donnera rien sans contrepartie. Oser demander et oser résister pour se faire entendre et obtenir, tout en conservant de bonnes relations. Telle est sa posture, bien éloignée de celle d'un vendeur.
Une double compétence
La gestion de cet antagonisme est l'enjeu même du couple réussi vente-négociation, au point de rendre majeure l'aptitude à savoir passer avec succès de la première à la seconde, au moment du "oui, mais..." qui en annonce la bascule possible d'une posture de conviction à une posture de confrontation.
Exercice difficile tant la peur de perdre son client, pour l'avoir contrarié, est présente chez la grande majorité des commerciaux qui préfèrent rester sur un mode de marchandage moins risqué, de même que trop négociateurs entrent dans des spirales de concessions ruineuses parce qu'ils ne savent pas ou plus traiter les objections les plus élémentaires.
La double compétence vendeur-négociateur devient un enjeu compétitif crucial de recrutement mais aussi de formation. Plus que jamais, donc, les entreprises ont intérêt à former doublement leurs commerciaux à la capacité combinée vendeur-négociateur, que ce soit :
Lire aussi : 6 étapes pour mieux former vos manager commerciaux
-aux techniques de vente, afin de les rendre capables de faire adhérer l'autre à leurs vues, par la force de leurs arguments d'abord et plus encore de traiter les objections - qui sont, nous ne le répèterons jamais assez, le moment clé de la bascule entre vente et négociation, tant sur le plan technique que sur le plan psychologique.
-aux techniques de négociation pour les rendre à même de défendre pleinement leurs intérêts.
L'expert
Jean-Pierre Veyrat est dirigeant de Negorisk, cabinet spécialisé en négociation commerciale.
Il est par ailleurs l'auteur de "T.I.N.A. Un modèle de négociation en situation conflictuelle" Editions Negorisk - 2009
En complément
Pièges et erreurs à éviter en négociation
Maîtriser sa voix pour réussir ses négociations
En négociation, les paroles plus fortes que les actes
Négociation: 10 techniques de manipulation