Êtes-vous sûr de cibler les bons prospects ?
Vous pensez bien connaître le profil de vos futurs clients. Mais avez-vous mené des études pour déterminer votre “coeur de cible” ? Seriez-vous prêt à bouleverser votre stratégie pour toucher les meilleurs prospects ?
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« Vous rendez-vous compte que 30 % de vos prospects ne correspondent
absolument pas à votre cible clients ? » C'est ainsi que Jean-Pierre Fleuraud,
directeur associé de l'agence conseil en marketing direct Adelanto, a annoncé à
son client, un grand nom de l'informatique, qu'il faisait fausse route dans sa
démarche de prospection, et cela depuis 18 mois ! Plus qu'une question, il
s'agissait en fait d'une affirmation savamment étayée par une enquête terrain.
Sur les conseils de l'agence, l'industriel a immédiatement rectifié le cap.
Mais tous ne sont pas aussi réactifs. « Certaines entreprises sont tellement
sûres d'elles, qu'elles refusent de se remettre en cause. Seul l'échec d'une
campagne de prospection pourrait les faire changer d'avis… et encore ! Elles
pourraient accuser le message plus que le ciblage ! », ajoute Jean-Pierre
Fleuraud.
D'où vient cette réticence des sociétés à se remettre en question ?
Peut-être du coût inhérent à toute démarche active de ciblage des prospects.
Une telle opération peut, en effet, coûter entre 20000 et 60 000 euros. De quoi
faire reculer certaines sociétés déjà hésitantes car certaines de bien
connaître leurs clients, et donc leurs prospects. Mais cette remise en question
touche sans doute bien plus l'orgueil des dirigeants et managers que leur
portefeuille. Il est, en effet, difficile de reconnaître que les clients de
toujours ne sont pas les meilleurs pour le business. « Les directions générales
refusent souvent de remettre en cause le travail de leurs équipes », assure
Jean- Pierre Fleuraud. Et comment admettre, par exemple, que l'on ciblait des
clients “haut de gamme” pour valoriser l'image de la société alors qu'il aurait
mieux valu prospecter dans des populations moins “CSP +” pour vendre plus ?
«
Beaucoup d'industriels misent sur des clients haut de gamme, car ils peuvent
alors afficher une image très statutaire et valorisante de leur entreprise,
juge Arnold Izsak, du cabinet conseil Izsak Grapin Associé. Pourtant, à ce
niveau, le marché est très restreint et la concurrence plus féroce qu'ailleurs,
tout le monde voulant toucher ces cibles à fort pouvoir d'achat. »
Quelle
société n'a pas, en effet, déployé des efforts et des ressources en interne
pour conquérir un client pour sa simple notoriété ? « Tout est dans la mesure.
“Se payer” quelques clients de ce style n'est pas grave, mais étendre cette
pratique à l'ensemble de son portefeuille peut le devenir », souligne René
Gonidec, responsable pédagogique au sein du réseau des Instituts des forces de
ventes (IFV). Et ce dernier d'expliquer qu'en matière de prospection,
l'entreprise se doit de définir ses objectifs : tels types de clients aideront
à dégager de la marge, tels autres serviront l'image de la marque. « Une
société qui réussit à avoir l'Armée française parmi ses clients ne dégagera pas
forcément une marge importante. Mais aux yeux de ses prospects, elle apparaîtra
comme sachant remplir un cahier des charges rigoureux avec une bonne offre
produit. On voit alors tout l'intérêt de décrocher ce client ! Mais ce que
l'industriel sacrifie d'un côté, il se doit de le gagner de l'autre, sans quoi
c'est la mort assurée », met en garde René Gonidec.
Une remise en cause qui touche l'organisation même de l'entreprise
On le voit, persister dans un ciblage approximatif et non fondé sur des méthodes
scientifiques relève parfois de freins psychologiques. Toucher à « Certaines
entreprises sont si sûres d'elles qu'elles refusent de se remettre en cause. »
Jean-Pierre Fleuraud, directeur associé de l'agence Adelanto ses habitudes de
prospection signifie, en effet, revoir l'ADN de la maison… Mais la frilosité
des directions générales s'explique aussi par le fait que remettre en cause les
différentes cibles de prospects a des répercussions sur la stratégie même de
l'entreprise et, donc, sur son organisation commerciale. « En travaillant sur
le ciblage de certains de nos clients, nous avons constaté que des régions
commerciales n'avaient aucun potentiel », relate Jean-Pierre Fleuraud.
Un
constat pas forcément facile à admettre pour la direction commerciale souvent à
l'origine de ce découpage et qui se retrouve alors obligée de réorganiser ses
équipes. L'opérateur de services IP pour les entreprises Easynet n'a, lui, pas
hésité à le faire. À ses débuts, en 1995, il ciblait les TPE et PME. Depuis
2005, les grands comptes sont devenus sa cible prioritaire. « Nous avons
effectué ce virage stratégique en constatant que nos marges étaient peu
confortables quand nous faisions affaire avec de très petites entreprises »,
explique Guillaume Prince-Labille, directeur commercial d'Easynet. Il faut dire
que si, il y a dix ans, les grandes structures n'étaient pas prêtes à changer
d'opérateur, elles le sont aujourd'hui. « Nous avons toujours été fiers de nos
clients, mais nous avouons maintenant que nous évoluons avec les besoins du
marché. Nos clients ne sont donc plus les mêmes », reconnaît Guillaume
Prince-Labille.
Reste que ce changement de cible induit une réorganisation de
la cellule de vente qui suppose de former ses membres à un nouveau type
d'approche commerciale. Ce qui peut conduire à des licenciements ou à des
mouvements internes pas forcément souhaités par les intéressés ni par la
direction commerciale ! Easynet est ainsi passée d'une organisation commerciale
par clients à une organisation par segments de marché. Désormais, une
compétence sectorielle est demandée à la force de vente. Une réorganisation qui
ne s'est pas faite sans heurts. « Quatre vendeurs sont partis. Ils ne se
reconnaissaient plus dans le nouveau modèle de vente », justifie Guillaume
Prince- Labille.
Mais un remaniement en profondeur n'est pas toujours
nécessaire, si vous remettez régulièrement en cause votre stratégie client.
C'est le cas d'Interface Flore, fabricant de dalles de moquettes. À sa création
dans les années 1960, l'industriel avait, par la force des choses, une culture
de prospection pure et dure. Ensuite, leader sur le marché, il a abandonné la
prospection pour la reprendre à la fin des années 1980… et ne plus jamais la
lâcher ! « Depuis, nous réfléchissons en permanence aux meilleures cibles
clients, souligne Jean-Gabriel Dutreuil, directeur commercial d'Interface
Flore. Nous n'avons aucune recette préétablie. Chaque année, nous réunissons
les forces de vente et le marketing pour remettre à plat notre stratégie de
prospection. »
L'industriel recoupe des études de marché et des remontées
terrain afin d'allouer les efforts adéquats à chaque cible, nouvelle ou pas. «
Cette année, nous avons, par exemple, fait un effort particulier pour cibler le
secteur de l'hôtellerie », précise Jean-Gabriel Dutreuil. Une démarche de
remise en question encouragée par Pierre Guillemard, directeur commercial du
fournisseur de bases de données Cegedim. Quitte à se mettre en danger ? « Les
directions commerciales craignent souvent de perdre des clients en faisant
évoluer leur politique de prospection, déplore Pierre Guillemard. Mais
l'érosion de votre portefeuille clients est si rapide qu'il faut être capable
de vous remettre sans cesse en question. Perdre d'anciens clients n'est pas un
drame si vous réussissez à en acquérir de nouveaux qui sont plus en phase avec
vos objectifs ». Il s'agit alors de mener deux démarches de front : travailler
votre capital client et renouveler vos méthodes de prospection. « Mieux vaut
anticiper et accompagner que suivre ou rattraper le temps perdu, affirme Arnaud
Caplier, directeur général d'Acxiom, spécialiste en connaissance client et en
géomarketing. Pendant trop longtemps, les entreprises ont cloisonné marketing
stratégique et marketing opérationnel, ce qui les a conduites à ne pas parler
des mêmes cibles. »
Le scoring pour cibler le plus finement possible
Si le changement de stratégie de l'opérateur Easynet l'a
conduit à passer des très petites entreprises aux grands comptes, sa base de
prospects est aujourd'hui construite selon des critères très précis. Car tous
les grands comptes ne font pas forcément l'affaire ! « Nous avons fait le choix
de cibler les sociétés de plus de 250 collaborateurs disposant de 15 à 20 % de
leurs sites en Europe, qui, souvent, ne sont pas démarchées par des opérateurs
comme Cegetel ou France Télécom », précise Guillaume Prince- Labille, qui
affirme ne plus vouloir cibler les TPE et PME. La cible est d'autant plus fine
que l'industriel peut allouer des efforts là où il sait qu'ils seront le mieux
récompensés.
« Je refuse d'aller sur les appels d'offres publics, car nous
n'avons aucun lien direct avec le client. Nous démarchons également très peu
les entreprises du secteur Banque-Finance-Assurance. Nous savons qu'ils
disposent d'importantes compétences informatiques en interne et n'ont donc
guère besoin d'externaliser », poursuit le directeur commercial d'Easynet. Je
suis d'autant plus pointilleux sur le choix des cibles que j'ai déjà échoué à
plusieurs reprises face à des prospects mal identifiés. » Cette question
déstabilisante du ciblage, l'agence de motivation Coup de Poing n'a pas hésité
à la poser à son client Virbac, laboratoire spécialisé dans les produits
vétérinaires.
« Nous avons pris conscience, après une enquête réalisée auprès
des vétérinaires, que la population des assistantes vétérinaires n'était jamais
démarchée, alors qu'il s'agissait de prescripteurs très efficaces », souligne
Rolland Deponge, directeur de l'agence Coup de Poing. L'erreur de cible était
ici très claire : Virbac, en tant que fabricant de produits vétérinaires,
ciblait naturellement les cabinets vétérinaires mais ne s'était jamais posé la
question de l'interlocuteur à identifier au sein même des cabinets médicaux. «
Il faut fidéliser avant tout les assistantes, bien plus que les vétérinaires,
car ce sont elles qui passent toutes les commandes », assure Rolland Deponge.
Une approche directe que le fournisseur de base de données Cegedim n'a pas
adoptée avec ses clients, tant ces derniers peuvent être susceptibles. « Notre
finalité reste la même : optimiser leur démarche commerciale », précise Pierre
Guillemard.
Pour cela, Cegedim applique une méthodologie bien rôdée. « Il faut
d'abord être capable de photographier son capital client et de déterminer de
combien de clients l'entreprise dispose sur tel ou tel segment de marché. Il
sera alors possible d'allouer plus ou moins d'efforts dans une ou plusieurs
directions, conseille Pierre Guillemard. On constate souvent que certains
clients ou prospects appartiennent à un secteur que l'entreprise ignorait et
sur lequel elle n'avait jamais entrepris aucune démarche de prospection. »
Pierre Guillemard préconise également de “scorer” ses clients. Une méthode
particulièrement utilisée dans le marketing direct. Elle consiste à prendre un
fichier de prospects aux profils très divers, puis à lui soumettre votre
proposition commerciale. En fonction de différents critères tels que la réponse
au mailing, le nombre de relances, les modalités et les délais de paiement, la
sensibilité aux promotions, etc., vous attribuerez à chacun une note et
pointerez les meilleurs “élèves” qui deviendront ainsi votre coeur de
cible.
Une stratégie toute en finesse
Mais de telles
méthodes sont encore peu utilisées à grande échelle. Les entreprises françaises
faisant encore DR trop souvent confiance à leur savoirfaire. « Les sociétés
sont davantage dans une logique d'expérience terrain : elles se fondent plus
sur les résultats des années précédentes, que sur des données concrètes issues
des outils de mesures de performances des campagnes de marketing », constate
Hocine Abda, directeur clientèle d'AID, société spécialisée dans la gestion de
la relation client et l'analyse de données marketing. Une habitude qui ne
permet pas forcément de déterminer des secteurs de niches. Ainsi, AID a pu
identifier sur le fichier client d'un opérateur en téléphonie mobile, que ce
dernier croyait pourtant bien connaître, que les avocats constituaient une
cible à privilégier en raison de leur grande utilisation du téléphone dans leur
activité. Jusqu'ici, ils étaient abordés de la même manière que les artisans
beaucoup moins consommateurs…
Autre exemple, le centre d'appel ESDI a
découvert, au cours d'enquêtes téléphoniques, que la cible des restaurateurs
n'était pas réceptive à ce type de démarche. « Notre client aurait pu croire
que la cible n'était pas bonne, alors que, tout simplement, les restaurateurs
n'avaient pas le temps d'être démarchés par téléphone », commente Isabelle
Costes, responsable Business Télémarketing pour ESDI. Résultat : la société a
envoyé ses commerciaux prospecter sur cette cible avec beaucoup plus
d'efficacité ! « En matière de ciblage clients, certains professionnels ont
tendance à croire qu'ils ont tout vu, tout connu. Pourtant, quand on creuse un
peu, on s'aperçoit qu'il reste encore beaucoup à faire », explique Hervé
Dhélin, directeur marketing Europe du Sud pour SPSS, éditeur de logiciels et de
solutions d'analyse prédictive. Ce dernier estime que les sociétés sont encore
dans une logique produit et pas assez client. Le risque ? Pousser vos produits
vers n'importe quel client, alors que tous n'ont pas les mêmes degrés d'intérêt
sur l'ensemble de votre portefeuille. Si bien que lorsque votre offre sera
vraiment en adéquation avec leurs besoins, elle pourrait bel et bien passer
inaperçue. Prospects et clients ne sont pas, en effet, capables de démultiplier
leur attention et d'être sensibles à toutes vos démarches commerciales. La
solution ? Faire des choix.
En réservant les bons clients – le coeur de cible –
pour certains produits. Vous éviterez ainsi de les démarcher avec des produits
peu ou pas intéressants pour eux. Une attitude adoptée par Microsoft pour le
lancement de son dernier système d'exploitation Windows Vista. « Notre tendance
naturelle est de trop parler !, confie Christophe Lachnitt, directeur marketing
et communication de Microsoft France. Pour le lancement de Vista, nous avons
veillé à ne pas trop communiquer afin de ne pas perdre l'intérêt de nos cibles.
Dès lors, nous avons cherché avant tout à affiner la segmentation de nos
différents publics cibles, comprenant le grand public, les entreprises, les
partenaires et les institutionnels. »
Mettre ses clients à contribution
Enfin, pour affiner encore un peu plus votre cible,
une dernière solution consiste à travailler de concert avec vos clients pour
concevoir un nouveau produit ou service. Ainsi, le dernier mouliné de Liebig
n'est pas tout à fait un potage comme les autres. La recette n'est pas issue
des centres de recherches de l'industriel ou d'un chef renommé… C'est tout
simplement celle d'une consommatrice, Tatiana, lauréate du concours “recette de
l'année” orchestré pour les 140 ans de la marque en janvier 2006. Le produit
est désormais vendu sous l'appellation “Recette de Tatiana” qui a accepté de
voir sa photo reproduite sur l'emballage. Liebig n'est pas la seule à utiliser
des profanes pour créer ou améliorer ses produits. Danone a également organisé
un concours sur Internet au printemps dernier pour choisir le prochain parfum
de ses Danette.
L'intérêt de cette démarche ? Mieux cibler ses prospects en
leur proposant des articles qui leur ressemblent. Une stratégie qui n'est
d'ailleurs pas l'apanage d'entreprises évoluant dans l'univers du B to C. Les
acteurs des NTIC s'appuient énormément sur les connaissances de certaines
communautés technophiles pour tester ou améliorer leurs produits. Microsoft a
ainsi fait appel, en amont du lancement de Windows Vista, à cinq millions de
personnes à travers le monde pour tester son nouveau système d'exploitation.
Autant de retours d'expériences et de remontées d'informations terrain qui
conforteront Microsoft dans le choix de ses cibles. Mais si ces acteurs de la
grande distribution et des NTIC semblent avoir trouvé la solution pour cibler
les bons prospects, accepteront-ils demain de se dire que le marché a changé et
que leurs pratiques, si bonnes soient-elles, doivent elles aussi évoluer ?
Le témoignage de Vincent Morius, directeur général de Swiss Post International France « Nous ne faisons pas toujours le tri entre nos clients profitables et les autres »
« Nous ciblons toutes les entreprises françaises qui envoient du courrier à l'international. Compte tenu du nombre de sociétés correspondant à ce profil, il est impossible de s'adresser à tout le monde ! », plaisante Vincent Morius. Pour éviter de prospecter tous azimuts, Swiss Post a donc identifié 2 000 sociétés susceptibles d'être les plus rentables, telles que les routeurs de courrier et les acteurs du tourisme. Mais, en parallèle, la filiale de l'opérateur postal suisse est victime de son succès : « Nombre d'entreprises viennent nous voir pour travailler avec nous sans que nous les ayons démarchées ! », assure Vincent Morius. Qui reconnaît n'être pas très regardant sur ces clients “tombés du ciel” : « il arrive parfois que nous prenions des clients qui ne correspondent pas à notre coeur de cible et qui ne sont donc pas les plus profitables… J'ai bien conscience que le jour où j'aurais vraiment besoin de prospecter, je devrais beaucoup plus précisément cibler mes prospects ! »
Le témoignage de Sylvie Fardin, conseillère en création d'entreprise au sein de la CCI de Montpellier « Les études de marché restent un bon moyen d'identifier précisément ses futurs clients »
« On a tous des a priori sur telle ou telle cible de clients ou sur tel produit qui va marcher », explique Sylvie Fardin. « Pourtant, poursuitelle, le meilleur moyen de transformer ces a priori en certitudes, c'est d'effectuer des études de marché pour être certain de ne pas se tromper de cible clients. » Or, selon elle, trop de personnes créent encore des entreprises ou lancent un nouveau produit sans réelle étude de marché ! « Elles ne visent pas seulement à identifier les clients, mais surtout à déterminer quels sont les prospects à fort potentiel qui permettront d'assurer un véritable retour sur investissement. » L'idée n'est pas tant de répondre à une demande du marché que de trouver les clients qui vous permettront de dégager une marge importante. Et Sylvie Fardin de citer l'exemple d'un entrepreneur qui voulait se lancer dans le service à la personne, sujet très à la mode, avant finalement de réorienter complètement sa stratégie suite à une étude de marché et d'opter pour le service aux entreprises, beaucoup plus créateur de plus-value !
Échantillonnez avant de prospecter à grande échelle Pour éviter de lancer une campagne de prospection sur une mauvaise cible, vous pouvez tester une partie de votre fichier.
Avant d'investir tout votre budget de marketing direct dans une vaste campagne de prospection, avezvous pensé à tester un échantillon de votre cible ? C'est pourtant fort simple. Avant le lancement de la campagne à grande échelle, il suffit de prendre une portion de sa base de données (environ 5 %) et voir comment cet échantillon réagit avant de l'étendre au reste de la base. La division marketing des systèmes personnels de HP, qui n'avait pas véritablement d'outil pour mesurer la performance de ses campagnes marketing à destination des PME/PMI, applique cette méthode depuis deux ans. L'opération a permis, entre autres, de découvrir que le catalogue de solutions envoyé jusqu'ici tous les trimestres aux PME de 1 à 500 salariés ne devait finalement ne l'être qu'à partir de 100 salariés. « Mis à part une économie sur l'envoi des catalogues, cette découverte permet de ne solliciter que les clients les plus à même de répondre à ces offres », explique Olivier Gillet, directeur marketing de la division Système personnel chez HP. Si le constructeur informatique est désormais capable d'avoir un reporting chiffré de ses campagnes et d'identifier ses prospects, sa prochaine étape pourrait être d'identifier le bon interlocuteur au sein des entreprises qu'il prospecte. « Pour le moment, nous ignorons encore quel est le meilleur interlocuteur pour nos produits », confie Olivier Gillet.
L'avis d'expert de Régis Barbier, président de Cartegie, spécialiste du traitement de données marketing et de la mise à disposition de fichiers multicanaux « Pour mieux cibler, n'ayez pas peur de demander de l'aide ! »
« Les entreprises ont du mal à faire évoluer leurs fichiers clients, car elles ont peur de confier ces données stratégiques à un prestataire chargé de juger de leur pertinence. » Tel est le constat de Régis Barbier. Ce spécialiste du traitement des données marketing a en effet souvent du mal à convaincre ses clients de procéder à un remaniement de fond de leur fichier. « Notre premier travail est de structurer les bases de données de nos clients afin de leur donner une vision juste de leur fonds de commerce. Il s'agit pour nous d'un point d'entrée dans les entreprises, car il touche directement à leur dynamisme commercial », explique le directeur général du prestataire. Mais l'argument a beau être sans faille, les entreprises sont frileuses et n'aiment pas confier leurs données. Les directions informatiques sont notamment les premières à freiner des quatre fers, de peur que les données ne soient volées ou perdues. « Or, pour être efficace, il est nécessaire de porter l'information à l'extérieur de l'entreprise afin d'identifier des anomalies qu'on ne détecte plus en interne. Une telle intervention peut générer une restructuration complète des données et influencer la politique de ciblage client de l'entreprise », affirme Régis Barbier, qui avance ces deux arguments pour convaincre ses clients.
Le témoignage de Fabrice Ancel, responsable des ventes France de Norman, éditeur d'anti-virus informatiques « Nous avons eu le courage de nous remettre en question »
Filiale du premier éditeur norvégien d'anti-virus informatiques, Norman France disposait, au moment de sa création en France en 1985, d'une connaissance très pointue des cibles clients de la maison mère : les gros revendeurs informatiques. L'entreprise n'a pourtant pas foncé tête baissée et a choisi de ne pas céder à la facilité en dupliquant simplement le schéma de prospection du siège. « Nous savions que le marché français était très concurrentiel. Il fallait donc mettre en oeuvre une stratégie différente pour nous imposer », explique Fabrice Ancel. Ainsi, l'éditeur a décidé de rechercher en France des distributeurs régionaux, de taille plus modeste, alors que la stratégie de la maison-mère les poussait plutôt vers des partenaires nationaux ou internationaux. « Pour nous faire une place sur le marché, nous devions monter une stratégie innovante pour parvenir à nous différencier. Nous avons identifié des partenaires revendeurs à la recherche de proximité et qui n'avaient pas encore finalisé leur portefeuille de produits. De fait, nos clients en France n'ont pas du tout le même profil qu'en Scandinavie », précise Fabrice Ancel. Qui met en avant l'importance d'avoir le courage de ne pas suivre les yeux fermés la stratégie d'une maison mère. Et la capacité à se remettre en cause…